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J’ai eu un conflit avec ma mère et nous avons rompu tout contact

Oct 22, 2023 | 0 commentaires

Océane est une jeune femme de 27 ans, belle et douce. Elle occupe un poste de responsable RH dans une grande association. Elle habite seule à 450 km de chez sa mère. Océane a perdu son père quand elle avait 20 ans. C’était un homme qui travaillait beaucoup.

Océane raconte le problème qui l’a opposé à sa mère, un problème, somme toute, anodin mais dont les conséquences affectent plusieurs aspects de sa vie. Elle ne sait pas comment elle en est arrivée à ce point avec sa mère. Suite à une dispute, elles ne se sont plus adressées la parole durant des semaines. Puis des mois se sont écoulés sans que l’une ou l’autre ne reprennent contact. Océane, ayant attendu désespérément un signe de sa mère ou une initiative de réconciliation, a fini par lui en vouloir et s’est persuadée que sa mère ne l’aime pas et ne l’a jamais aimée. Puis, elle a envoyé quelques texto à l’occasion de l’anniversaire de sa mère puis à l’occasion du nouvel an. Elle a reçu des réponses qui se limitaient à « Merci ». L’attente et l’espoir d’une réconciliation ont cédé la place à la douleur et au désespoir. Océane a pris la décision de ne plus jamais contacter sa mère. La rupture est consommée et cela dure depuis plus de 3 ans.

Le plus dur à supporter pour Océane c’était les fêtes de Noël. Non seulement, elle était privée de sa mère mais également des regroupements de sa famille élargie, de cette ambiance festive et conviviale qui a bercé son enfance. C’est à ces occasions qu’Océane, plus que jamais, se sentait orpheline de père et de mère et que le sentiment de solitude la torturait.

Eléments d’éclairage d’un conflit mère-fille

Rompre avec un ou les deux parents est plus fréquent dans notre société qu’on ne le pense. De l’adolescence jusqu’à un âge avancé les conflits avec les parents n’épargnent ni les filles ni les garçons.

Les relations entre mères et filles sont souvent complexes et riches en émotions. Bien qu’il existe de nombreux moments de joie et de complicité, il est fréquent qu’elles se confrontent à des tensions et des conflits mère-fille parfois violents. Les ruptures peuvent être douloureuses, délétères et parfois ont des conséquences dramatiques pour l’enfant.

Les déclencheurs des conflits mère-fille sont multiples et variés :

  • Les changements hormonaux chez les adolescentes
  • Les différences générationnelles
  • Les histoires familiales difficiles et traumatismes non traités
  • Des attentes divergentes, non exprimées ou non satisfaites
  • Des rivalités et des comparaisons
  • Une communication défaillante ou inefficace
  • Les transitions familiales importantes

Il n’est pas toujours évident de trancher dans ces conflits mère-fille. Le contexte, l’âge, les antécédents, la configuration familiale et la dynamique spécifique à chaque famille peuvent jouer un rôle important dans les conflits. Pour arriver à une issue acceptable pour les deux actrices de la situation, la thérapie systémique explore à la fois le contexte, les dimensions interpersonnelle et intrapsychique des protagonistes, la dimension historique du lien et de la relation et le contexte de ces tensions. Il est, en effet, important de considérer deux individualités distinctes, deux générations différentes et deux identités qui peuvent complètement s’opposer malgré le lien familial. Il est, de même, important de considérer la transmission dans la dynamique familiale et ses effets.

Travail thérapeutique

Exploration des antécédents et des modèles familiaux

Avec une voix émue, Océane dit : « Il n’y a plus rien à espérer, de toutes façons ça n’a jamais été une bonne relation avec ma mère, j’aimerais juste cesser d’en souffrir« . La voix du désespoir dicte cette solution radicale qui consiste à cesser définitivement toute relation. La rupture s’impose comme une solution à la hauteur de la douleur ressentie, des attentes ignorées, de besoins insatisfaits de l’enfant qu’elle était, mais ce n’est sûrement pas la solution qui apporte l’apaisement.

Océane consulte pour ce conflit interne qui ne cesse de la tourmenter. « Au fond, j’aimerais garder le lien avec ma mère mais je n’aimerais pas avoir ce type de relation avec elle, en plus je lui en veux de m’ignorer tout ce temps comme si j’existais pas ». Océane, n’a pas encore soigné ses blessures de l’enfance.

Quand elle évoque son passé, ses souvenirs d’enfance, Océane change d’expression. Elle a une voix de petite fille, elle s’enfonce sur son siège. Les larmes aux yeux, elle dit : « 

Du plus loin que je me souvienne je ne vois pas, je ne sens pas une étreinte ou un baiser de ma mère. A l’époque je pensais que c’était normal. Mais un jour, j’avais 9 ans, j’ai dormi chez une copine et j’ai vu comment sa mère la maternait, l’embrassait, l’écoutait, …j’étais tellement jalouse, j’ai eu mal au cœur. Je ne voyais plus ma mère comme avant. »

 C’est une jeune femme blessée qui décrit sa solitude, ses besoins insatisfaits et ses frustrations passées. Quand les besoins primaires d’un enfant sont ignorés, il apprend à apprivoiser ou à supporter la solitude et le manque d’affection, ce n’est qu’à l’âge adulte qu’il se confronte aux conséquences de ce manque et ses multiples manifestations.

Un enfant a besoin de la proximité physique de sa figure d’attachement. Les interactions directes et continues avec la ou les figures d’attachement le construisent et renforcent son sentiment de sécurité et son besoin d’explorer son environnement. La qualité des interactions directes est donc responsable d’un environnement sécure pour l’enfant. Ces interactions interviennent indirectement dans l’ambiance et le climat dans lequel se développe l’enfant.

« Ma mère est froide et même pas gentille contrairement à ce que certains croyaient. Je me souviens un jour, j’avais 8 ans, c’était à l’occasion de la fête de fin d’année, les parents sont arrivés le soir pour assister à notre spectacle. J’ai couru vers elle les bras ouverts, elle a attrapé ma main en vol et m’a poussée sur le côté ».

Un parent aimant n’agresse pas ainsi la dignité et l’amour-propre de son enfant. Grandir dans de telles conditions laisse des traces douloureuses et parfois fragilisantes. Les femmes n’ayant pas bénéficié, dans leur enfance, d’un lien maternel solide, les femmes élevées par une mère distante et émotionnellement détachée éprouvent souvent un sentiment déroutant de perte et de privation tout au long de leur vie. Les répercussions sur leur vie d’adultes, affective, sociale et professionnelle est souvent ce qui les amène à consulter.

En explorant l’histoire familiale d’Océane, il s’avère que sa relation tendue avec sa mère a pris un tournant conflictuel vers l’âge de 10 ans, ce qui a contribué à créer un modèle de communication stérile et mouvementé à la maison. Et ce modèle s’est ancré dans leur relation durablement.

Il devient évident que le conflit mère-fille entre Océane et sa mère est alimenté par des attentes non satisfaites depuis son enfance et une communication défaillante qui n’a pas arrangé sa relation d’adulte à sa mère.

Considérer le passé pour traiter le présent

Comme Océane, beaucoup de femmes sont enfermées dans cette boucle du passé si anxiogène et qui nuit à leur bien-être émotionnel présent. Elles observent, impuissantes, les impacts néfastes sur leurs relations sociales, amoureuse et même professionnelles sans pouvoir s’en détacher ou y voir plus clair pour avancer.

Mais ne nous précipitons pas à juger et condamner ou maudire ces mères distantes et froides.

Tout d’abord, il est important de rappeler que la mère idéale n’existe pas. L’idéal est très subjectif, il est culturel, générationnel, …Il est important de rappeler qu’une mère ne peut être ni parfaite ni assujettie ; son rôle ne consiste pas au sacrifice et au dévouement jusqu’au martyre.

  • Une mère éduque avec ce qu’elle sait, avec ses acquis issus de la transmission et de son expérience familiale.
  • Une mère, reproduit souvent, à son insu, les schémas relationnels familiaux qui l’ont construite.
  • Une mère avance avec ses propres blessures, ses propres traumatismes, ses propres souffrances et avec son bagage émotionnel.

Une femme devient mère et doit assumer cette responsabilité avec un bagage riche ou carencé, approprié ou inadapté. Elle élève ses enfants avec ses propres carences affectives ou éducatives. Elle est mère 24/24 heures et 7/7 jours mais elle ne peut être disponible tout ce temps.

Il est important de rappeler cela avant de commencer tout travail sur la relation mère-fille et sur ce passé qui n’est pas passé.

Le rôle des expériences passées

Quand Océane se met à relater son conflit mère-fille, c’est toute l’expression de son visage qui devient grave et toute sa gestuelle qui se raidit. Elle argumente, elle justifie, elle se défend, elle accuse. Elle décrit une relation tumultueuse avec sa mère à l’adolescence. Elle décrit une mère distante et froide, une froideur qui lui a pesé et l’a rendue envieuse de certaines copines.

Océane reproche à sa mère l’absence de son soutien et son indisponibilité aux moments difficiles qu’elle a traversés durant son adolescence : son premier chagrin d’amour, le départ de son frère à l’armée, le décès de son père, …

La prise de conscience

A travers les discussions et les réflexions guidées, Océane a pris conscience que les conflits mère-fille qui l’opposaient à sa mère étaient souvent dues à des attentes affectives frustrées et un besoin de soutien insatisfait. Lesquels généraient des sentiments souvent responsables des tensions et des conflits réguliers qui les opposaient. La proximité insuffisante et frustrante de sa mère et les attentes insatisfaites ont nourri chez Océane un sentiment d’amertume et de rejet et elle en est restée prisonnière.

Océane fait également le lien entre le manque émotionnel dans son enfance et ses propres schémas relationnels d’adultes. Elle a fermé l’accès à ses émotions pour se protéger et elle ne sait plus tout simplement comment ouvrir cet accès. Aujourd’hui, elle ne sait plus comment recevoir de l’affection ni comment la donner. Elle n’a pas eu le modèle approprié pour apprendre.

Se libérer des croyances et des émotions néfastes

Nous avons travaillé sur plusieurs aspects pour aider Océane à sortir de cette boucle néfaste.

Dans le cas d’une thérapie individuelle, il est important d’inviter aux séances le membre de la famille concerné. En cas de difficulté, nous le représentons par une chaise vide. Cela permet de circulariser l’information et d’interroger son point de vue de cet absent, sa pensée, ses arguments éventuels.

La chaise vide a pu mettre en évidence le vécu douloureux de la mère d’Océane. Bien que cette dernière ait été au courant de ce qu’avait traversé sa mère durant son enfance, elle ne la jamais accordé, elle ne faisait pas ce lien empathique mais plutôt une incompréhension.

Les mères comme celle d’Océane n’ont pas l’intention de mal faire. Elles ne donnent que ce qu’elles savent donner, ce qu’elles peuvent donner. Il fallait qu’Océane puisse s’en rappeler. Chemin faisant, elle a pu accepter et tempérer :

« Bon c’est vrai que je n’ai jamais manqué de rien, maman veillait à ce que l’on soit, mon frère et moi, bien nourris, bien habillés et il n’y avait pas un seul anniversaire ou une fête de Noël où je n’ai pas eu des cadeaux. Elle prenait soin de moi quand j’étais malade » Elle ajoute en souriant : « bon elle me forçait à manger des soupes infectes, c’était horrible ! mais au moins je ne pouvais plus faire semblant d’être malade pour pas aller à l’école, … »

Le tournant

Travailler pour une relation apaisée et mutuellement respectueuse

Il est important d’identifier les attentes et les besoins que mère et fille ont l’une envers l’autre et de les exprimer clairement pour les réinscrire dans un cadre réaliste et respectueux des libertés de chacune et de leurs limites respectives.

Nous avons travaillé sur les émotions qui envahissent Océane lorsqu’elle songe à renouer avec sa mère. Il était important de distinguer clairement ses émotions négatives de son enfance de celles de l’adulte. Une fois que les émotions sont distinguées et leurs origines situées, on travaille sur la manière de les accepter et de les tempérer pour éviter les réactions impulsives et les retours aux dialogues stériles et chargé d’attaques verbales et de critiques blessantes et destructrices.

Du conflit mère-fille à la rencontre mère-fille

 Dans le cas spécifique d’Océane, après quatre mois de thérapie, elle a réussi à reprendre contact avec sa mère et à communiquer différemment avec elle. Sa mère a été réceptive et après plusieurs semaines de rapport un peu froid, elle accepté de l’accompagner aux séances.

Il était important de créer un espace sécurisé où l’une et l’autre pouvaient exprimer leurs pensées, leurs sentiments et leurs préoccupations sans craindre d’être jugées ou critiquées, et bénéficier d’une écoute totale et attentive.

En tant que thérapeute, je suis garante de la sécurité de ces deux êtres si proches et si éloignées à la fois. Je pose le cadre d’un dialogue constructif où les sous-entendus et les messages ambigus sont recadrés et nécessairement clarifiés ; un cadre où les non-dits sont verbalisés et prennent du sens et de la lumière.

Dans la situation d’Océane, il était important de définir clairement les besoins et les attentes mutuelles dans cette relation mère-fille. Il est ensuite essentiel de poser des limites claires et acceptables par l’une et l’autre. Il est enfin crucial que tout cela soit validé par les eux parties avant d’instaurer un mode de communication plus ouverte où chacune peut exprimer ses pensées, ses émotions et ses sentiments librement et respectueusement.

Le travail effectué ensemble dans cet espace a porté ses fruits. Mère et fille ont pu exprimer clairement leurs attentes et leurs besoins respectifs, éclairer des zones d’ombre, reconnaitre des erreurs et définir les aspects sur lesquels elles pouvaient amorcer le changement. Les éclairages dont a bénéficié l’une et l’autre et les efforts qu’elles ont promis de faire l’une envers l’autre a d’ores et déjà amorcé un apaisement.

Océane attendait de l’intérêt et des moments privilégiés de disponibilité maternelle. Ces paroles ont été entendues.

La mère d’Océane a pu bénéficier d’une écoute attentive de ses propres besoins et ses propres attentes. Elle a pu verbaliser sur ses traumas et ses blessures passées et présentes. Nous avons accueilli en toute bienveillance ses confidences sur ses peurs et ses failles en tant que mère et en tant qu’épouse.

Océane a progressivement amélioré sa relation avec sa mère. Grâce à une communication plus ouverte et à une meilleure compréhension mutuelle, elles ont pu résoudre des conflits mère-fille de manière plus constructive. Océane a également renforcé sa confiance en elle-même et a pris des décisions plus alignées avec ses propres aspirations.

Cela ne signifie pas que les conflits ne peuvent plus survenir dans la relation entre mère-fille, mais lorsqu’un désaccord survient, chacune s’efforce d’éviter les réactions impulsives ou agressives et tente de résoudre le désaccord de manière constructive en recherchant des solutions mutuellement satisfaisantes. Ces signes indiquent généralement une relation saine et équilibrée où le respect, l’écoute et la compréhension mutuelle sont valorisés.

Conclusion

Les relations conflictuelles entre mère et fille peuvent engendrer du stress et des tensions qui peuvent nuire à la santé émotionnelle des deux parties et impacter plusieurs aspects de la vie d’adulte de la fille. Il est toutefois, important de noter que chaque relation mère-fille est unique et de rappeler qu’une mère éduque avec son propre bagage émotionnel, avec ses propres failles et ses propres carences. Il est donc crucial d’identifier les attentes respectives et besoins individuels de chacune afin d’arriver à une issue bénéfique ou du moins acceptable pour les deux.

Grandir auprès d’une mère distance laisse des séquelles douloureuses et durables car manquer de la chaleur et de l’amour maternel est fragilisant et délétère. L’intervention thérapeutique permet de créer un espace de confidence, de réflexion et de regards réflexifs en vue de voir autrement les conflits familiaux et d’instaurer une volonté de dialogue et des relations apaisées. La compréhension mutuelle et la gestion des émotions jouent un rôle important dans la résolution des conflits familiaux. En adoptant une communication ouverte, en établissant des limites claires, en faisant preuve d’empathie, il est possible de renforcer ce lien unique entre parent et enfant et de construire une relation mutuellement respectueuse.

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